ALEXANDRE
Fils de Philippe II et Olympias, souverains de Macédoine, Alexandre
se signale à l'attention de la cour en domptant Bucéphale, un cheval
célèbre pour sa fougue.
L'élève d'Aristote a tous les traits d'un héros de l'Illiade,
séduisant, énergique, intempérant et brutal, mais aussi cultivé et fin
politique.
A 18 ans, le prince vainc les villes d'Athènes et Thèbes à
Chéronée.
Mais, depuis longtemps déjà, ces prestigieuses cités ne sont plus que
l'ombre que d'elles-mêmes.
Deux ans plus tard, à la mort de son père, il monte sur le trône de
Macédoine.
Il pacifie les contrées à demi-barbares situées au nord de la Macédoine
et réprime une ultime révolte des Grecs. Enfin, il part à la conquête
du monde à la tête de 40.000 soldats grecs et macédoniens.
Son objectif est l'empire perse qui domine le Moyen-Orient depuis deux
siècles.
En quelques années, sous son commandement, les Grecs et les Macédoniens
vont renverser l'empire des Perses et des Mèdes malgré une écrasante
infériorité numérique.

LA CONQUETE DU MONDE
Alexandre remporte une première victoire sur les bords du Granique,
en Troade, au sud du Bosphore, où il manque de périr. Puis il libère
les cités grecques de la côte asiatique et conquiert l'Anatolie.
De passage à Gordion, il tranche de son épée le fameux noeud gordien,
les mages assurant que la personne qui arriverait à dénouer ce noeud
acquerrait l'empire de l'Asie!
En 333 av. J.-C., une deuxième victoire à Issos, en Cilicie, aux portes
de la Syrie, livre à Alexandre le Proche-Orient.
La mère et la famille de Darius, le «Roi des Rois» tombe à
cette occasion entre les mains du Macédonien qui se fait un devoir de
bien les traiter.
Le héros marche sur la Phénicie pour s'assurer le contrôle des ports.
Il détruit Tyr après un long siège, puis s'empare de l'Egypte après
avoir forcé le verrou de Gaza. Poursuivant jusqu'au temple d'Amon, dans
le désert occidental, il reçoit du grand-prêtre le titre de «fils
d'Amon».
Dans le delta du Nil, en face de l'île de Pharos, où s'élèvera le premier
phare connu, le conquérant en herbe fonde la ville d'Alexandrie-du-Nil.
Celle-ci sera promise à un prestigieux destin.
Reprenant sa poursuite, Alexandre franchit l'Euphrate, à la poursuite
de Darius III, et, dans la plaine de Gaugamèles, à l'est du Tigre, il
bouscule l'armée perse, forte, dit-on, d'un million d'hommes.
Le roi de Macédoine entre sans attendre dans les capitales achéménides:
Suse, Persépolis, Pasargades et Ecbatane. Il s'empare des trésors de
la dynastie achéménide et se fait proclamer roi d'Asie. Avec un rare
sens politique, il se recueille devant le cercueil de Cyrus, fondateur
de la dynastie des Achéménides.
Mais il laisse ses soldats piller la prestigieuse Parsa (Persépolis
en grec), vengeant de la sorte le pillage d'Athènes et la destruction
de l'Erechtéion sacré par les troupes de Xerxès, 150 ans plus
tôt.
Entre temps, le Roi des Rois, Darius III s'enfuit misérablement vers
les extrémités orientales de son empire et la Bactriane (l'Afghanistan
actuel, capitale: Bactres) mais il est assassiné par l'un de ses satrapes,
Bessos.
Alexandre découvre le corps de son auguste rival sur le bord du chemin,
à Hécatompyles, au sud-est de la mer Caspienne. D'un geste théâtral,
il se dépouille de son manteau et le dépose sur le corps de Darius,
signifiant par là qu'il assume l'héritage des Achéménides, sans haine
ni esprit de revanche.
Alexandre poursuit ses conquètes vers l'Est et atteint la Bactriane
et la Sogdiane où il remporte une victoire sur le dernier
satrape Poros. Désireux de poursuivre sa route jusqu'aux extrémités
du monde, Alexandre atteint les rives de l'Indus et traverse l'Hydaspe.
Il entre en Inde, où il découvre l'hindouisme et le bouddhisme.
Mais ses hommes, épuisés et repus, refusent de le suivre plus loin et
Alexandre, à contrecoeur, accepte de revenir sur ses pas jusqu'à Babylone,
sa nouvelle capitale, pour se consacrer à l'organisation de ses conquêtes.
Le retour est dramatique. Une partie de l'armée, sous le commandement
de Néarque, longe la côte en bateau. Le reste suit Alexandre à travers
le désert littoral. Beaucoup d'hommes succombent de faim et de soif.
LE REVE D'UN EMPIRE UNIVERSEL
Dépassant les antiques divisions entre les cités et les oppositions
ethniques, Alexandre met en place progressivement un gouvernement commun
aux Grecs, aux Macédoniens et aux Perses.
Il doit pour cela surmonter de violentes oppositions parmi ses vétérans
macédoniens. C'est ainsi qu'il fait exécuter sur de simples soupçons
son fidèle général, le vieux Parménion. Dans un accès de colère comme
il lui en arrive souvent, il tue aussi d'un javelot son meilleur ami,
Kleitos.
Au grand scandale de ses compagnons de combat, Alexandre n'hésite pas
à se faire lui-même déifier à la mode orientale.
Pour en finir avec les réticences des Grecs à s'aligner sur les ennemis
vaincus, il tente une fusion entre tous ses peuples par les noces de
Suse. Plusieurs milliers de Grecs épousent à cette occasion des filles
perses.
En 327, Alexandre lui-même épouse par amour une princesse persane nommée
Roxane, puis la propre fille de Darius III.
LA FIN DU REVE
La mort prématurée d'Alexandre va ruiner le rêve d'un empire universel.
Peu avant de mourir, Alexandre avait perdu son meilleur ami, Héphestion,
qu'il avait désigné comme régent au cas où il mourrait avant d'avoir
un fils en âge de lui succéder.
Faute de testament ou de successeur désigné, ses généraux désignent
l'un des leurs, Cratère, comme intendant général de l'empire. Mais à
sa mort, les anciens lieutenants du Conquérant, qui se présentent comme
ses successeurs (en grec, «diadoques»), ne tardent pas à se
disputer. Ils finissent par se partager l'empire en s'attribuant les
uns et les autres le titre de roi.
Ptolémée
le
Lagide, qui avait réussi à s'emparer de la dépouille d'Alexandre et
à l'ensevelir à Alexandrie-du-Nil, assure la domination de sa famille
sur l'Egypte. Il fonde ce qui sera la dernière dynastie de pharaons.
Cette dynastie s'éteindra avec Cléopâtre. Séleucos s'attribue la Babylonie,
Antigone l'Asie mineure, Lysimaque la Thrace et Antipater la Macédoine.
Suit
une longue période de chaos d'où émergeront deux royaumes hellénistiques
majeurs, l'Egypte des Ptolémées et la Babylonie des Séleucides.
Mithridate devient, à la faveur des troubles, roi du Pont, sur le détroit
du Bosphore, tandis que les Arsacides, descendants d'Arsace, réunissent
les Parthes d'Iran sous leur autorité.
TRIOMPHE DE L'HELLENISME
La victoire des Grecs et des Macédoniens sur l'empire achéménide entraîne
une expansion sans précédent de la culture hellénique.
Cette culture est l'héritière de la culture grecque de l'époque classique
(Ve siècle a. J.-C.). Elle gagne en extension géographique ce qu'elle
perd en créativité.
Le Muséion (en grec, le temple des Muses) créé par Alexandre
à Alexandrie-du-Nil, sur une idée de son maître Aristote, reste la plus
belle illustration de l'hellénisme.
Cette institution sans égale est destinée à réunir les savants de toutes
les disciplines. Parmi eux l'astronome Euclide, le poète Théocrite,
les mathématiciens Eratosthène et Hipparque, le géographe Strabon, l'astronome
Ptolémée...
Démétrios de Phalère, le constructeur du Musée, prévoit à Alexandrie
une immense bibliothèque. Elle recueillera jusqu'à 700.000 manuscrits
à l'aube de notre ère et, grâce à elle, par l'intermédiaire des Arabes,
les érudits du Moyen-Age pourront accéder à l'essentiel du savoir antique.
Grâce aux conquêtes d'Alexandre, le grec devient pour 2000 ans la langue
des échanges dans la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient.
L'influence hellénique atteint le royaume du Gandhara, au nord de l'Inde.
Dans cette région de grande culture, les sculpteurs bouddhistes prêtent
à Bouddha les traits d'Apollon. Et les effigies que nous voyons
aujourd'hui dans les pays bouddhistes, jusqu'au Japon, dérivent de cette
représentation.
Mille ans après l'épopée d'Alexandre, un voyageur chinois relève des
traces d'hellénisme dans certaines oasis du désert de Gobi (entre le
Tibet et la Mongolie).
Comme le dit joliment l'historien René Grousset, cette survivance évoque
les étoiles mortes qui brillent à nos yeux longtemps après qu'elles
ont disparu.
Dans l'actuel Afghanistan, les talibans islamistes ont détruit
les merveilleux témoignages de cette culture gréco-indienne associée
à la religion de Bouddha.
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